jeudi 3 juin 2010

THE SEURAT PORTRAIT IN REMEMBER ME

Le portrait par Seurat dans REMEMBER ME


Parallels abound in RM. Objects, situations, symbols, numbers - many things are mirrored and duplicated, echoing eerily each other throughout the film. They are like a breadcrumb trail of clues, scattered here and there, sometimes clear and insistent, sometimes so fleeting that you can only remember them and understand their meaning once everything is over.
From a purely filmic perspective, this is a really exciting game to play, even though the prevailing tonal sadness of the story overshadows them so often. But they are really important, generally calling back the past, explaining the present state of mind or psychological place each character has reached, and hinting at the future. These objects and symbols – which sometimes can be quite immaterial, like a particular, recurrent lighting or a mere name - play a role which is intricately woven into the very fabric of the film and which is sometimes so significant as to convert them into additional characters – silently dodging the steps of Tyler, Ally and their families, like shadows.





Les parallèles abondent dans RM. Objets, situations, symboles, chiffres – toutes ces images sont mises en miroir et dupliquées, se renvoyant mutuellement des échos étranges tout au long du film. C’est un peu comme si l’on avait semé des indices tout au long de l’histoire, dispersés ça et là, parfois clairs et forts, parfois si fugaces que l’on ne peut se souvenir d’eux et comprendre leur sens qu’une fois que tout est fini.
D’un point de vue purement filmique, c’est un jeu de piste passionnant, même si le voile de tristesse dont est empreint toute l’histoire vient si souvent les obscurcir. Mais ces indices ont une réelle importance, car ils évoquent le passé, expliquent l’état d’esprit actuel de chacun des personnages ou le stade psychologique auquel ils sont arrivés, et suggèrent ce que sera le futur. Ces objets et symboles, qui peuvent parfois être immatériels, par exemple un éclairage particulier récurrent ou un simple nom, sont intimement incorporés au bâti même du film et jouent un rôle qui est parfois si important qu’ils se transforment, en quelque sorte, en personnages supplémentaires, suivant sans bruit les pas de Tyler, d’Ally et de leurs familles, comme des ombres.



This post is about one of these clues: it’s a beautiful black and white portrait of a man. It’s tacked on the door of Tyler and Aidan’s flat, and we see it again in the epilogue when Caroline visits the Met with her father.



Ce post parle de l’un de ces indices: un très beau portrait en noir et blanc d’un homme, affiché sur la porte de l’appartement de Tyler et d’Aidan, et que l’on revoit ensuite lors de l’épilogue, lorsque Caroline visite le Metropolitan Museum de New York avec son père.



I was really intrigued by this portrait. Who was the painter, who did it represent, and what was its meaning in the film, as it obviously had one ? We discussed it on our French RM forum and my friend Siobhan gave me the answer : it was a portrait by the French painter Georges Seurat, of his friend the artist Edmond Aman-Jean. The portrait can actually be seen at the Met.


La présence de ce portrait dans le film m’a réellement intriguée. Qui était le peintre, qui le portrait représentait-il, et quelle était sa signification dans le film, car il paraissait évident qu’il en avait une? Nous en avons discuté sur notre forum français sur RM et mon amie Siobhan m’a donné la réponse: c’était un portrait de Georges Seurat, représentant son ami l’artiste Edmond Aman-Jean. Le portrait est effectivement exposé au Met de NY, et voici le descriptif qu’en donne la page officielle du musée.


Aman-Jean, 1883
Georges Seurat (1859–1891)
Conté crayon on paper /Crayon Conté sur papier
24 1/2 x 18 11/16 in. (62.2 x 47.5 cm)
Bequest of /legs de Stephen C. Clark, 1960 (61.101.16)

Seurat's study of his friend the artist Aman-Jean (1860–1936) is one of the great portrait drawings of the nineteenth century. A remarkably assured work for a young artist, it was shown in the Paris Salon of 1883 shortly after Seurat's twenty-third birthday. Aman-Jean and Seurat knew each other as students at the École des Beaux-Arts in Paris. Following their studies, they took a studio together, and it was there that Aman-Jean posed for this portrait. Aman-Jean kept the drawing, and referred to it many years later in a letter to Seurat's biographer as "a very beautiful portrait of me." Seurat chose a classic profile pose for his sitter, sensitively portraying the artist with brush in hand and a facial expression of deep concentration. Seurat deftly used conté crayon in tonal gradations from the darkest black to the softest gray, culminating in the luminescent white of the unmarked paper.



L’étude que fit Seurat de son ami l’artiste Edmond Aman-Jean (1860–1936) est l’un des plus beaux portraits du xixème siècle. Oeuvre témoignant d’une assurance remarquable chez un jeune artiste, elle a été exposée au Salon de Paris en 1883 peu après le vingt-troisième anniversaire de Seurat. Aman-Jean et Seurat s’étaient rencontrés à l’École des Beaux-Arts de Paris où ils étaient tous les deux étudiants. Après leurs études, ils partagèrent un appartement ensemble, et c’est là qu’Aman-Jean posa pour ce portrait. Aman-Jean garda le dessin et le décrivit bien des années plus tard dans une lettre au biographe de Seurat comme «un très beau portrait de moi ». Seurat opta pour une pose de profil classique, représentant avec sensibilité l’artiste pinceau à la main, le visage empreint d’une expression de profonde concentration. Seurat utilisa avec dextérité des crayons conté, procédant par nuances graduelles allant du noir le plus foncé jusqu’au gris le plus doux, pour culminer avec le blanc lumineux laissant apparaître le papier laissé vierge.

The Seurat portrait and Tyler
Le portrait de Seurat et Tyler



When Ally has fled from her father’s house and gone to Tyler’s, there’s a moment when Tyler and Aidan sit on the sofa, with their backs turned to us, facing the door of the flat and commenting they should really fix the broken lock. This is when we see the portrait for the first time: a large, black and white print stuck on the door.


The portrait is serene. The young man, who is writing or drawing, is poised and focused on his work, a sweet, peaceful expression on his face. You can almost imagine a slight smile playing on his lips. It’s a beautiful moment, captured in time, and there is almost something tender in the way Seurat depicted his friend. The peace and happy concentration are almost tangible. I can only marvel at Seurat’s deft use of the rich gradations of black and white: a muted, white-grey light suffuses the background, reflecting itself in soft tones on his friends’ hands and face, and culminates in the striking, amazing pure white on the collar, directing our gaze to the poser’s face. But it is above all the feeling of peace and the poser’s self-absorption and joy in his work which prevail in the portrait.





La scène commence au moment où Ally s’est enfuie de chez elle pour se réfugier chez Tyler. Tyler et Aidan sont assis sur le sofa du salon, nous tournant le dos, face à la porte de l’appartement, et Tyler dit à Aidan qu’ils devraient vraiment réparer le verrou. C’est à ce moment-là qu’on l’on aperçoit le portrait pour la première fois : une grande reproduction en noir et blanc affichée sur la porte.

Le portrait est serein. Le jeune homme, qui est en train d’écrire ou de dessiner, est attentif, concentré sur sa tâche, son visage empreint d’une expression douce et paisible. On peut presque imaginer un léger sourire jouant sur ses lèvres. C’est un beau moment, saisi dans l’instant, et il y a quelque chose de presque tendre dans la façon dont Seurat a peint son ami. L’esprit de paix et de concentration heureuse sont presque tangibles. Je ne peux que m’émerveiller devant la dextérité avec laquelle Seurat a utilisé les riches nuances de noir et de blanc : une lumière sourde, oscillant entre blanc et gris, imprègne l’arrière-plan, se reflétant en tonalités douces sur les mains et le visage de son ami, pour culminer avec le blanc pur, frappant, étonnant du col, qui dirige notre regard vers le visage du modèle. Mais c’est avant tout le sentiment de paix, la façon dont le modèle est absorbé par son travail, et la joie qu’il en retire, qui dominent dans ce portrait.



Peace – being truly immersed in the present – and happiness ; all three things which lack cruelly in Tyler’s life. The Aman-Jean portrait emanates all these things which Tyler probably misses. Is this why Tyler chose to display this portrait on the door of the flat, so that he would always see it, everyday, whenever he went out, and also whenever he was in, sitting in the living-room, as a reminder of the state of mind he never has, of the things he can’t have yet ? Although we know Aman-Jean was really painting or drawing, his pose reminds me strongly of Tyler writing in his diary.




La paix – savoir s’immerger totalement dans le présent– et le bonheur : trois choses qui toutes font cruellement défaut dans la vie de Tyler. Le portrait d’Aman-Jean rayonne de ces trois éléments qui manquent sans doute à Tyler. Est-ce pour cela qu’il a choisi d’afficher ce portrait sur la porte de son appartement, de façon à l’avoir toujours sous les yeux, tous les jours, chaque fois qu’il sort, mais aussi chaque fois qu’il est chez lui assis dans le salon, comme pour lui rappeler cet état d’esprit qu’il n’éprouve jamais, et toutes ces choses qu’il ne peut pas encore vivre ? Nous savons qu’Aman-Jean était en train de peindre ou de dessiner pendant la séance de pose, mais son attitude fait fortement penser à Tyler écrivant son journal.


But Tyler, when he writes, is always tormented or sad or aching, and we know that he continually writes to his dead elder brother Michael. He never seems to feel this peace you can see reflected in the portrait. My idea is that the portrait embodies something Tyler secretly aspires to : he wants to be released from his grieving and his resentment towards this brother he never forgave for killing himself, he wantz to be at peace himself, so that he too, can start writing – literally and symbolically - the pages of his own life. His constant writing in his diary is actually both a grieving and a healing process, a way he had devised to sort this out. Writing in his diary, using it to purge all his anguish and pain, however, also absorbs all his vitality and energy. This is why Tyler always seems to be cut out from his present life and merely drifting though it, why he never commits to anything permanent (except his relationship to his sister). His work, his studies, his love life - all these things are secondary to him, because he knows, instinctively, that the inner peace symbolized by the Seurat portrait can only come from within himself, and that writing in his diary is the only way he has found to reach it. Tyler’s real, big job is to complete his grieving, so that he can heal and finally turn back to a life of connections and relationships, but at that point in his life, he has not yet reached the enticing peace the portrait is showing him everyday – and the portrait, is, interestingly, tacked on the exit door of the flat, showing Tyler the way to the real, outside world – like an unconscious goal. But as Tyler says, in another lighter and funnier scene, speaking about his physical relation with Ally, « it’s too soon ». It’s too soon for inner peace yet.



Tyler, toutefois, lorsqu’il écrit, est toujours tourmenté, triste ou en peine, et nous savons qu’il écrit continuellement à son frère aîné décédé, Michael. Tyler ne semble jamais éprouver cette paix qui émane du portrait. Je pense que le portrait incarne les choses auxquelles Tyler aspire secrètement : il veut être libéré de son deuil et de sa rancœur envers son frère, auquel il n’a jamais pardonné son suicide. Il veut lui-même être en paix pour pouvoir, lui aussi, enfin commencer à écrire, au propre comme au figuré, les pages de sa vie. Lorsque nous le voyons constamment écrire dans ce journal qu’il emporte partout avec lui, Tyler est en fait en plein cœur d’un processus de deuil et de guérison. Le journal est un outil qu’il s’est inventé pour trouver une réponse à la situation. Mais l’acte d’écrire dans le journal, d’y purger toute son angoisse et sa souffrance, absorbe aussi toute sa vitalité et son énergie. C’est pour cela que Tyler semble toujours coupé de sa vie réelle, comme s’il se contentait de dériver dans l’existence. C’est pour cela qu’il ne s’engage jamais envers quoi que ce soit de permanent (hormis sa relation avec sa petite sœur) : son travail, ses études, ses aventures amoureuses, toutes ces choses sont pour lui secondaires, parce qu’il sait, d’instinct, que la paix intérieure symbolisée par le portrait de Seurat ne peut venir que de lui-même, et qu’écrire dans son journal est la seule façon qu’il a trouvée pour tenter de l’atteindre. La vraie tâche que Tyler doit accomplir, sa tâche la plus importante, c’est de mener son deuil à son terme, afin de pouvoir guérir et de retourner enfin à une vie de liens et de relations. Mais à ce stade de son existence, il n’a pas encore atteint cette paix enviable que le portrait lui montre tous les jours – un portrait, qui, fait intéressant, est affiché sur la porte de sortie de son appartement, lui indiquant le chemin vers le monde réel, celui de l’extérieur, à la façon d’un but inconscient. Mais comme Tyler le dit, dans un autre contexte plus drôle et plus léger (à propos de l’évolution de sa relation physique avec Ally) , « c’est trop tôt». Pour lui, il est encore trop tôt pour la paix intérieure.




Foreshadowing
Signes prémonitoires



Foreshadowing is ever-present in the film, announcing Tyler’s death, and cannot be underestimated. Nothing ever seems to be random in RM. Therefore, even though it might be a mere coincidence, it might be important to know that Seurat died tragically young, at only 31, of an illnesss. The use of a portrait by a painter, Seurat, whose life was cut short may not be an innocent choice, just as Tyler’s middle name, Keats, is that of an English poet, John Keats, who died when he was only 26 and who had also lost a beloved brother. Unfinished lives, young death… many such underlying, silent symbols are scattered all throughout the film, like a melancholic pattern of secret clues.




Les signes prémonitoires, annonciateurs de la mort de Tyler, sont omniprésents dans le film, et leur importance ne doit pas être sous-estimée. Rien ne semble avoir été laissé au hasard dans Remember Me. Aussi, même s’il ne s’agit que d’une pure coïncidence, il est peut-être important de savoir que Seurat mourut tragiquement jeune, à seulement 31 ans, de maladie. L’utilisation d’un portrait fait par un peintre à la vie si brutalement interrompue n’est donc peut-être pas un choix innocent, comme vient le confirmer le second prénom de Tyler, Keats. John Keats était un poète anglais qui mourut à seulement 26 ans et qui avait aussi perdu un frère qu’il aimait beaucoup. Vies inachevées, mort en pleine jeunesse … une multitude de ces symboles muets et souterrains est ainsi éparpillée tout au long du film, comme un motif mélancolique d’indices cachés.


At the end of the film, we know Tyler has actually begun to resolve the conflict. With the last voice-over, we get to hear the last words he ever wrote, as he reveals what he would say to Michael if he knew Michael could hear him: that he loves him, that he misses him and that he forgives him. Tyler has finally got to a more peaceful, serene place, a place where he can be open to love and his present life and the future. You could almost picture him, bent intently over his diary just as in the portrait, absorbed in his writing, a half-smile playing on his lips and his eyes, writing his words of love and forgiveness, yielding to his new feeling of connection to life and to the world. At this particular moment, which we only hear, and never get to see but can imagine, Tyler and the young man in the portrait at last mirror each other.




A la fin du film, nous savons que Tyler a en fait commencé à résoudre son conflit : sa voix off prononce les derniers mots qu’il a écrits, lorsqu’il révèle ce qu’il dirait à Michael s’il savait que ce dernier pouvait l’entendre : il lui dirait qu’il l’aime, qu’il lui manque et qu’il lui pardonne. Tyler est enfin parvenu à un stade plus paisible, plus serein, un stade où il peut s’ouvrir à l’amour, au présent et à l’avenir. On peut presque se le représenter, penché , concentré, sur son journal, absorbé de façon heureuse par son écriture, un demi-sourire frôlant ses lèvres et ses yeux, tandis qu’il écrit ces lignes d’amour et de pardon, et cède à ce sentiment nouveau qui le fait se sentir relié à la vie et au monde. A ce moment bien précis, que nous entendons, sans jamais le voir dans le film, mais que nous pouvons imaginer, Tyler et le jeune homme du portrait se renvoient enfin leurs reflets, comme s’ils étaient face à face devant un miroir.


The Seurat portrait and Aidan
Le portrait de Seurat et Aidan


However, the Seurat portrait does not disappear when Tyler is gone. True, we never get to see it again in the boys’ flat in the epilogue, but this portrait still has a part to play, because it is, in a way, something which is closely linked to Tyler, a memory of him and of his arc in the story, like a message which has to be passed on. The portrait symbolizes Tyler’s journey from grieving to a newfound peace. It is there to remind us that Tyler’s life had a meaning, that he had time to start to change and to begin to find hope in his new relationships before he was taken away.




Le portrait de Seurat ne disparaît pour autant avec Tyler. Dans l’épilogue, nous ne revoyons jamais le portrait affiché dans l’appartement de deux garçons, mais il n’en reste pas moins qu’il a encore un rôle à jouer, car il est d’une certaine façon, étroitement lié à Tyler. C’est un souvenir de lui et de sa trajectoire dans le film, comme un message qui doit être transmis. Le portrait symbolise le parcours de Tyler, depuis le deuil vers une paix nouvelle. Il est là pour nous rappeler que la vie de Tyler avait un sens, et qu’il a eu le temps de commencer à changer et à trouver de l’espérance dans ses nouvelles relations avant d’être emporté.




Aidan and the invisible portrait
Aidan et le portrait invisible en filigrane



Aidan, in the epilogue, is sitting for exams at the NYU. He is seen in profile, his face intent, unusually grave, pen in hand, writing. A brief glimpse at his upper arm shows that he now has the name « Tyler » tattoed on it. Everything in his pose, in the way he has been filmed, mirrors the portrait. Aidan’s thick, black curly hair and small goatee even show an eerie physical similarity with Aman-Jean : true, it’s only a fleeting glimpse, and at that particular painful moment in the film we are so caught in our own grief and shock of losing Tyler that we may not notice all this – but nevertheless, it is all there. Life goes on, Tyler has gone and he will never study anymore, but Aidan will. In a way, Aidan’s job is now to go on with what Tyler – who always teased him about his bad grades and lack of work - will never be able to do. In this scene, Aidan even wears a T-shirt of that particular dark blue which Tyler often wears in the film and in a poignant moment when he gazes up to look at something we do not see, you almost get the feeling he’s holding back tears and thinking about his friend. The mirroring pattern is complete: the Seurat portrait, which was an image of what Tyler yearned for in life, and the memory of Tyler himself, merge and are now passed on to Aidan, although in an invisible, subtle way, like a filigree image.




Aidan, dans l’épilogue, est en train de passer des examens à l’université. Il est vu de profil, son visage est concentré, inhabituellement grave ; il tient un stylo et écrit. Une image fugitive permet d’entr’apercevoir qu’il s’est fait tatouer le nom de Tyler sur l’avant-bras. Tout, dans sa pose, dans la façon dont il est filmé, est une image-miroir du portrait. Ses épais cheveux noirs bouclés et sa petite barbiche établissent même une insolite ressemblance physique avec Aman-Jean : certes, ce n’est qu’une image fugace, et à ce moment du film, si douloureux, nous sommes tellement pris au piège de la douleur et du choc d’avoir perdu Tyler qu’il n’est pas aisé de remarquer tout cela – et pourtant, tout est bien là. La vie continue, Tyler n’est plus là, il n’étudiera plus jamais, mais Aidan, si. D’une certaine façon, la mission d’Aidan est désormais de poursuivre ce que Tyler – qui le taquinait toujours sur les mauvaises notes et son peu d’empressement à étudier – ne pourra lui jamais faire. Dans cette scène, Aidan porte même un T-shirt de ce bleu indigo très particulier que Tyler porte souvent dans le film – encore un souvenir. Lors d’un moment poignant, lorsqu’il lève les yeux pour fixer quelque chose que nous ne voyons pas, on a presque le sentiment qu’il retient ses larmes et pense à son ami. La mise en miroir est complète: le portrait de Seurat, qui était une image de ce que Tyler désirait, et qui est un souvenir de Tyler lui-même, est maintenant transmis à Aidan, bien que sous une forme invisible et subtile, comme en filigrane.



The Seurat portrait and Caroline
Le portrait de Seurat et Caroline

The Seurat portrait reappears at the very end of the film, when Caroline visits the Metropolitan Musem of New York – « her favourite place in the world » – with her father.


Slowly, the camera zooms on then pans away from the original portrait and Caroline standing looking at it, her sketchbook in her hands. The camera lingers on the portrait, long enough for us to remember the print which hung in Tyler’s flat. We could build up the whole backstory of the portrait – maybe Tyler was the one who introduced Caroline to it? Maybe they visited the Met together and – together- both were enthralled by this beautiful, slightly enigmatic portrait? Maybe Caroline even saw the print in her brother’s flat... There is clearly a link, and the portrait is the device which is used here to make us see that Caroline remembers Tyler. Her behaviour is interesting: she stares long and carefully at the portrait, as if to memorize it one last time, and then she turns away from it, slowly but in a determined way, her head held high up. It’s closure time. By visiting the portrait, a symbol for Tyler, Caroline gives a last nods to her dead brother, but she is also saying good-bye to him. It is time. She ackowledges his memory, maybe remembering past visits with him at the museum, maybe recalling that he particularly loved this portrait. However, her attitude breaks the continuity of the portrait mirroring pattern: she’s holdling a pen (but we don’t see it) and a sketchbook, but she’s not looking at her work, she’s moving, holding her head high, and she’s already looking around her for other pictures, the exit, and the future.




Le portrait de Seurat réapparaît tout à la fin du film, lorsque Caroline visite le Metropolitan Musem de New York – « l’endroit qu’elle préfère le plus au monde» – avec son père.


Tout en douceur, la caméra fait un zoom sur le portrait original puis s’en écarte, nous montrant Caroline qui regarde le portrait, un carnet de croquis à la main. La caméra s’attarde un peu sur le portrait, suffisamment longtemps pour que nous souvenions de la reproduction affichée dans l’appartement de Tyler. On pourrait essayer d’inventer toute l’histoire secrète du portrait dans le film : peut-être est-ce Tyler qui l’a fait découvrir à Caroline ? Peut-être le frère et la sœur ont-ils visité ensemble le Met et ensemble, sont-ils tombés sous le charme de ce beau dessin un peu énigmatique ? Peut-être Caroline a-t-elle même vu la reproduction dans l’appartement de son frère ? Il y a de toute évidence un lien. Le portrait est l’instrument qui nous permet dans cette scène de nous montrer que Caroline se souvient de Tyler. Le comportement de la petite fille est intéressant : elle fixe le portrait attentivement, un long moment, comme pour le mémoriser une dernière fois, puis elle s’en détourne, lentement mais avec détermination, la tête haute. Le temps est venu pour elle de mettre un point final. En rendant visite au portrait, symbole de son frère mort, Caroline lui fait en quelque sorte un dernier petit signe de la tête, mais elle lui dit en même temps au revoir. Le moment est venu. Elle fait acte de mémoire, et se souvient peut-être de visites qu’elle a faites avec lui au musée, et se rappelle peut-être qu’il aimait particulièrement ce portrait. Mais son attitude brise la mise en miroir : Caroline a le crayon à la main, mais elle ne regarde pas son travail, elle est mobile, la tête haute, et elle cherche déjà du regard l’extérieur et l’avenir.


If you’re very quick, you can a glimpse of Caroline’s drawings in her sketchbook: it’s a pair of sketches of the Seurat portrait. One first version, on the upper part of the sheet, seems to be placed in a sort of frame, as if she had copied the portrait the way it was tacked to the door of Tyler’s flat. The second version, beneath it and slightly to the right, is just a copy of the head. Past and present meet in this drawing: it is as if Caroline had drawn the portrait such as she remembered seeing it in Tyler’s flat, and then such as she sees it now, in the museum. As she walks away decidedly with her father, towards another room, leaving the portrait behind, and taking away with her this curious, double drawing, Caroline is leaving the past behind, accepting her present life – as she takes her father’s hand – and walking into the future. She has said good-bye to Tyler, although she will always love him and remember him.





Si l'on est très attentif, on peut apercevoir les dessins que Caroline a faits dans son carnet : ce sont deux croquis du portrait par Seurat. La première version, en haut de la feuille, semble être placée à l’intérieur d’une sorte de cadre, comme si Caroline avait copié le portrait tel qu’il était affiché dans l’encadrement de la porte, dans l’appartement de Tyler. La seconde version, un peu en-dessous et légèrement décalée en diagonale vers la droite, est une copie du profil. Le passé et le présent se rencontrent dans ce double dessin : comme si Caroline avait reproduit le portrait tel qu’elle se souvenait l’avoir vu chez Tyler, et tel qu’elle peut maintenant le voir au musée. Lorsqu’elle s’éloigne d’un pas décidé aux côtés de son père, vers une autre salle, laissant derrière elle le portrait, et emportant avec elle ce curieux double dessin, Caroline laisse en fait le passé derrière elle, accepte sa vie présente, en prenant la main de son père, et se dirige vers l’avenir. Elle a dit au revoir à Tyler, même si elle l’aimera toujours et se souviendra toujours de lui.



Nos empreintes ne s’effacent jamais des vies que nous avons touchées.


About Seurat / A propos de Seurat (1859-1891)

Moma :

While little documentation survives from Seurat’s tragically abbreviated life – he died at the age of 31 – his own extensive output, the works he exhibited , and reports of hi sfriends and colleagues show the crucial role that drawing played in his art. He left over 500 known sheets (with about 270 dating from his maturity), an extraordinary number for such a short career. Some of these drawings were preparations for his monumental canvases, helping him explore light, shadow, pose and relationships of color, but most are independant works. A close look at 3 aspects of Seurat’s work – a group of sketchbooks, his methods and materials, and his subjects – proves the accuracy of one contemporary’s description of the artist: he was, Emile Verhaeren, argued, a « technician, risk-taker, inventor ».


Il nous reste peu de documents sur la vie tragiquement courte de Seurat, mort à 31 ans, mais sa production colossale, les œuvres qu’il exposa, et les témoignages de ses amis et collègues attestent du rôle crucial que le dessin joua dans son art. Il laissa plus de 500 dessins connus (dont 270 datent de sa maturité), soit un nombre extraordinaire pour une aussi brève carrière. Certains de ces dessins étaient des études préparatoires pour ses toiles monumentales, l’aidant à explorer la lumière, les ombres, les poses et les relations entre les couleurs, mais la plupart sont des œuvres indépendantes. Un examen serré des 3 aspects de l’œuvre de Seurat – un groupe de carnets de croquis, ses méthodes et le matériaux qu’il employait, et ses sujets – démontre combien était vraie la description que donna de l’artiste un de ses contemporains, Emile Verhaeren, pour qui il fut « un technicien, un preneur de risques, un inventeur ».



Once described as “the most beautiful painter’s drawings in existence,” Georges Seurat’s mysterious and luminous works on paper played a crucial role in his career. Though Seurat is most often remembered as a Neo-Impressionist, the inventor of pointillism, and the creator of the painting, A Sunday on La Grande Jatte, his incomparable drawings are among his–and modernism’s–greatest achievements. Working primarily with conté crayon on paper, Seurat explored the Parisian metropolis and its environs, abstracted figures, spaces, and structures, and dramatized the relationship between light and shadow, creating a distinct body of work that is a touchstone for the art of the twentieth century and today.


Jadis décrits comme « les plus beaux dessins de peintre ayant jamais existé », les dessins mystérieux et lumineux sur papier de Georges Seurat jouèrent un rôle crucial dans sa carrière. Bien qu’il soit surtout connu comme un néo-impressionniste, comme l’inventeur du pointillisme et l’auteur du tableau Un dimanche après-midi à la Grande Jatte, ses dessins incomparables font partie de ses plus grandes réussites et de celles du modernisme. Travaillant principalement au crayon contrôle sur papier, Seurat explora la métropole parisienne et ses environs, ses figures, espaces et structures abstraits, et mit en scène la relation entre ombres et lumières, créant une œuvre originale qui est la pierre d’angle de l’art du xxeme siècle et de l’art contemporain.


Dessins noir et blanc de Seurat au Louvre / B&W Seurat drawings at the Louvre:
http://arts-graphiques.louvre.fr/fo/visite?srv=mtr&quicksearchinput=SEURAT+GEORGES&radiobutton=oeuvre


Expo Seurat au MoMa de NY/Seurat exhibition at the MoMa :
http://www.moma.org/interactives/exhibitions/2007/seurat/

Seurat au Met de New York/Seurat at the Met :
http://www.metmuseum.org/works_of_art/collection_database/all/listview.aspx?page=1&sort=4&sortdir=desc&keyword=Georges%20Seurat&fp=1&dd1=0&dd2=0&lSort=4&vw=1

Où trouver les œuvres de Seurat dans les musées du monde entier/Where to find Seurat’s work in the world:
http://www.artcyclopedia.com/artists/seurat_georges.html

About Aman-Jean / A propos d’Aman-Jean (1858-1936)

Expo Edmond Aman-Jean "Songes de femmes", avec de nombreux tableaux de portraits féminins, son sujet favori/Aman-Jean exhibition with many feminine portraits (his favorite theme) :
http://www.la-fontaine-ch-thierry.net/expamjan.htm


Joli blog regroupant de très nombreux illustrations de ses tableaux/A nice blog with tons of illustrations :
http://www.artistsandart.org/2010/01/edmond-francois-aman-jean-1858-1936.html



Liens anglais sur Aman- Jean/English links about Aman-Jean:
http://www.idburyprints.com/artist/EDMOND_FRANCOIS_AMAN-JEAN_63.htm
http://www.artrenewal.org/pages/artist.php?artistid=1158

6 commentaires:

  1. I know you don't want to hear this, but I couldn't stop crying when I read this. Your analysis is so insightful and brilliant but it points to the utter poignancy of the film.
    All I could do was hear that last musical piece and get catapulted back into that initial state of grief, and, unlike Caroline, imagine Tyler's last words in voiceover, and want to see him.

    But your analysis...I can't find the words. You see so much, while I must, it seems, always feel so much.I love reading your thought on these things. Wow. Would that the filmmakers did too.

    RépondreSupprimer
  2. Hi jessegirl, I can't thank you enough for your generous comment, I'm just so glad you love this piece. It took me ages to write it down - so many things to sum up, and real life interfering :((. I wish I didn't make you cry though. I guess we can't help this, RM has so much sadness in it. But also so much beauty. Thanks again for your heartfelt comment! I'm halfway through translating your article btw, it's coming soon....

    RépondreSupprimer
  3. Ce commentaire a été supprimé par un administrateur du blog.

    RépondreSupprimer
  4. Merci Little pour ton post sur ce cher portrait de Seurat, je suis littéralement comblée par ce que tu as écris (pour preuve, je viens de le relire pour la troisième fois consécutive pour m'en imprégner complètement). Mais les mots me manquent pour te dire à quel point ce que tu as écris me touche. Vivement le DVD pour pouvoir revoir RM avec toutes les "clclés" que tu nous as données dans ce blog.

    RépondreSupprimer
  5. Merci infiniment carlie1105, j'espérais que ça te plairait, on en avait parlé et tu m'avais dit que c'était un sujet qui te tenait à coeur. Maintenant, je ne sais pas si mon interprétation est juste, j'y vais vraiment à l'intuition, et si ça se trouve je suis à côté de la plaque... peut-être que je vois des choses qui n'existent pas. Tant pis ! on y va au feeling... Je suis très touchée en tout cas que tu aimes ce post. Et j'en profite pour dire aussi un grand merci à Valérie et Siobhan du forum qui ont aussi aimé aussi ce sujet.

    RépondreSupprimer
  6. @ Rum
    I have read your text yesterday (june 3rd) and I felt so sentimental, melancholy, that I just couldn`t write anything that could honor your words and these beautiful pictures. So, today I did my own research to find a poem to dedicate to you, Seurat, Aman-Jean, Aidan, and Tyler. And I found Paul Verlaine. I discover that Verlaine was portrayed by Edmond Aman-Jean in 1892 ( http://en.wikipedia.org/wiki/File:Paul_Verlaine-Edmond_Aman-Jean_mg_9503.jpg). I chose Clair de Lune. It is a lovely poem that inspired a beautiful suite composed by Claude Debussy ( Clair de Lune ).

    J'ai lu votre texte hier (Juin 3) et je me sentais tellement sentimental, mélancolique, je ne pouvais pas écrire quoi que ce soit qui ferait honneur à leurs paroles et ces belles photos. Donc aujourd'hui, j'ai fait mes propres recherches pour trouver un poème à vous dédier, Seurat, Aman-Jean, Tyler et Aidan. Et j'ai pensé à Paul Verlaine. J'ai découvert que Verlaine a été interprété par Edmond Aman-Jean en 1892 (http://en.wikipedia.org/wiki/File:Paul_Verlaine-Edmond_Aman-Jean_mg_9503.jpg). J'ai choisi Clair de Lune. C'est un beau poème qui a inspiré une belle suite composée par Claude Debussy (Clair de Lune).


    Clair de lune

    Paul Verlaine

    Votre âme est un paysage choisi
    Que vont charmant masques et bergamasques
    Jouant du luth et dansant et quasi
    Tristes sous leurs déguisements fantasques.

    Tout en chantant sur le mode mineur
    L'amour vainqueur et la vie opportune,
    Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur
    Et leur chanson se mêle au clair de lune,

    Au calme clair de lune triste et beau,
    Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
    Et sangloter d'extase les jets d'eau,
    Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres.

    Moonlight

    Paul Verlaine ( French Poet )

    Your soul is like a landscape fantasy,
    Where masks and Bergamasks, in charming wise,
    Strum lutes and dance, just a bit sad to be
    Hidden beneath their fanciful disguise.

    Singing in minor mode of life's largesse
    And all-victorious love, they yet seem quite
    Reluctant to believe their happiness,
    And their song mingles with the pale moonlight,

    The calm, pale moonlight, whose sad beauty, beaming,
    Sets the birds softly dreaming in the trees,
    And makes the marbled fountains, gushing, streaming--
    Slender jet-fountains--sob their ecstasies.

    ( From Poèmes saturniens (1866) )

    RépondreSupprimer

Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.