-by/par jessegirl – 1er juillet 2010/July 1st 2010
This article was originally posted by my sister site, An Unofficial RM Fan Site : http://www.rememberme-film.com/
The instrumental music written for the film “Remember Me” is an exquisite achievement. It is used with subtlety from beginning to end, and moves us through the story with unassuming delicacy. It supports instead of being intrusive. The score sets the mood yet never overwhelms it, and works on the subconscious mind more powerfully because of this. The technique is almost cunning seduction, trapping us in emotions the actors have set in motion. We are mostly unaware of this process. It is a rich tapestry of sound.
La musique instrumentale écrite pour le film Remember Me est une réussite exquise. Elle est employée avec subtilité du début à la fin et nous fait cheminer tout au long du récit avec une délicatesse discrète. Elle accompagne sans envahir. Elle définit l’atmosphère mais sans jamais la submerger, et son effet sur notre inconscient en est d’autant plus puissant. La technique à laquelle elle a recours est proche d’une habile séduction, nous capturant dans la nasse des émotions que les acteurs ont mis en branle. La plupart du temps, nous n’avons pas conscience de ce processus. La musique crée une riche tapisserie sonore.
The only exception is the Requiem—I Know You Can Hear Me—which ends the film. This piece, a frank tribute, can only honour the dead and express grieving with enormous majesty. Zarvos was astute enough to know that the end of the story demanded undiluted yet authentic grandeur. And he delivered, with a hauntingly beautiful melody.
La seule exception est le « Requiem » — le morceau intitulé I Know You Can Hear Me — qui clôture le film. Tribut sincère, il ne peut que rendre hommage aux morts et exprimer le deuil avec une immense majesté. Zarvos a été suffisamment perspicace pour comprendre que la fin du récit exigeait une grandeur sans nuances, mais authentique. Ce qu’il a su faire, en composant une mélodie d’une envoûtante beauté.
Marcelo Zarvos is a Brazilian pianist and composer, making a name for himself in indie films. He has worked with Allen Coulter on Hollywoodland. The extensive use of his primary instrument is evident in “Remember Me”.
Zarvos draws you in with lots of pensive piano, understated horns, harp, and deep undercurrents of strings. A musician could identify each instrument and its place in this but I will do what I can to describe the effect of the whole on the audience. As one unqualified to speak to musical techniques, I leave it to others to analyze such things and comment on their purpose; I hope to throw light on how the music helps hook us, then reel us into the story.
Pour nous attirer, Zarvos a généreusement recours à ce piano songeur, à des cors en sourdine, à la harpe et à des courants sous-jacents de cordes. Un musicien pourrait identifier chaque instrument et sa place exacte, mais mon objectif est de décrire l’effet de l’ensemble sur les spectateurs. N’étant pas qualifiée pour parler des techniques musicales, je laisse aux autres le soin d’analyser ces aspects et de commenter le but recherché : j’espère montrer comme la musique du film nous accroche comme un hameçon, puis d’un coup de manivelle, ramène à elle le fil où elle nous a accrochés pour mieux nous happer dans le récit.
“Caroline” - “Tyler”
Caroline’s motif is not the light-hearted tune we’d expect for a child. It has dainty moments, the skipping piano, the fragile harp, but the serious child with issues is uppermost. In the music we can see this solemn girl who zones out and escapes to her own world. It is a sad theme for a pre-adolescent child and illustrates her sensitivity. Caroline is a reflective girl, an observer who seems to laugh like a regular child only with her brother.
Le thème de Caroline n’est pas la mélodie insouciante à laquelle on pourrait s’attendre pour une petite fille. Il a ses moments de joliesse, un piano sautillant, une harpe fragile, mais c’est l’enfant grave confrontée à bien des problèmes qui prédomine. La musique nous fait apercevoir cette petite fille solennelle qui cède parfois à des absences et s’échappe dans son univers personnel. C’est un thème triste pour une enfant au seuil de la préadolescence, qui illustre bien sa sensibilité. Caroline est une petite fille réfléchie, une observatrice qui ne semble rire comme tous les autres enfants que lorsqu’elle est en compagnie de son frère.
Tyler’s theme contains heavily plucked strings, a thudding piano, a plodding cadence. The whole thing is suffused with absorbed reflection. One can almost see Tyler in the diner scribbling in his journal, lost in his thoughts. The music illustrates Tyler’s near constant state of preoccupation. Although he is not an introvert, he is held in the formless yet dense grip of introspection. The music both demonstrates Tyler as a figure mourning his brother and his broken family and also foreshadows his own death. You cannot see this film more than once without being alert to this coming doom, both musically and visually, through constant clues. The effect is devastating because as you watch Tyler slowly come to life and come out of the shadow of his brother’s death, you know he is moving closer to the death fate has in store for him.
Le thème de Tyler est marqué par des cordes pincées avec force, un martèlement de piano, une cadence laborieuse. Le morceau tout entier est imprégné d’une réflexion intense. On peut presque voir Tyler dans son café, griffonnant dans son journal, perdu dans ses pensées. La musique illustre son état quasi-permanent de préoccupation. Bien qu’il ne soit pas un introverti, Tyler est prisonnier du joug informe mais dense de l’introspection. La musique brosse le portrait d’un personnage qui porte le deuil de son frère et de la cassure familiale, et augure aussi sa mort. Il est impossible de voir plusieurs fois ce film sans être sensibilisé à la mort prochaine de Tyler, tant sur le plan de la musique que des pistes visuelles, par le biais d’indices omniprésents. L’effet est dévastateur, car, alors que nous regardons Tyler s’éveiller lentement à la vie, et émerger de l’ombre de la mort de son frère, nous savons qu’il se rapproche de la mort que le sort lui a réservée.
“Morning Montage”
The morning of...
Ce matin-là…
We follow Tyler out of the apartment. Then we see all the other characters and how they start the morning of September 11th. They are all happy or more contented than we’ve seen them through the whole movie. Especially Tyler. The piano and that little flute [?] follow him rather trippingly, almost skipping, a light, sweet but not saccharine melody. Again, intermittently and rarely, tiny musical phrases of sadness break through. The sad and the sweet mingle strangely. We don’t really know yet. We follow the characters, especially Tyler, his face smiling, his body lithe and free, as the piano notes bring him closer to his destination. The score is a light, delicate touch, stroking us. Fingers gentle on the keys, almost happy. But our hearts are beating faster, as the ‘clues’ unfold relentlessly. Tyler in the elevator going to the 90th floor. His father uncharacteristically taking Caroline to school, and being twenty minutes behind schedule because of it. The final clue written on the chalkboard. And now we know.
Nous suivons Tyler qui quitte son appartement. Puis nous voyons tous les autres personnages et comment ils démarrent la matinée du 11 septembre. Tous sont heureux ou du moins plus joyeux que nous les avons vus l’être pendant tout le film. Surtout Tyler. Le piano et une petite flûte [il me semble] le suivent avec grâce, d’une façon presque sautillante, en une mélodie légère, ravissante mais dépourvue de toute mièvrerie. Une fois de plus, par rares intermittences, d’infimes motifs musicaux teintés de tristesse font irruption. Tristesse et douceur se mêlent étrangement. Nous ne savons pas encore, pas vraiment. Nous suivons les personnages, surtout Tyler, son visage souriant, sa silhouette souple et libre, tandis que les notes de piano le rapprochent de sa destination. La musique nous effleure alors, légère, délicate, comme une caresse. Les doigts du musicien sont doux sur les touches, presque heureux. Mais nos cœurs battent plus vite, tandis que les « indices » se dévoilent impitoyablement. Tyler dans l’ascenseur, montant jusqu’au 90ème étage. Son père, qui contrairement à ses habitudes, emmène Caroline à l’école, et prend ainsi vingt minutes en retard sur son horaire coutumier. L’indice final, avec cette date écrite sur le tableau noir. Et maintenant, nous savons.
Then he enters his father’s office and three ominous notes—some kind of low horn sound—usher Tyler in. The piano has slowed down and the ‘horn’ and those three notes keep repeating. And what is Tyler’s demeanour as these foreboding notes intrude? He is full of grace, his body slowly inhabiting the office, nibbling on a small treat—last meal of the condemned—and as he sits at his father’s chair, he sees his father’s love in frame after frame in family photographs. His face becomes more and more serene as he realizes the meaning of the screensavers. At the end, Tyler’s face bears the glow of ineffable beauty, the kind love reveals. He interacts with Janine, calm permeating him entirely. Touches her arm in tender camaraderie. Gets up. Moves towards the window, a quiet peace evident in his whole being, his body unhurriedly approaching the window to look out at the blue sky.
Tyler pénètre alors dans le bureau de son père et trois notes inquiétantes — une sorte de cor grave— marquent son entrée. Le piano a ralenti et ce « cor » et ses trois notes ne cessent de se répéter. Mais quel est le comportement de Tyler, tandis que ces notes chargées de sens font intrusion ? Il se déplace avec grâce, prenant lentement possession de l’espace, grignotant un biscuit —le dernier repas du condamné— et assis sur le fauteuil de son père, il découvre l’amour de ce dernier, tandis qu’image après image, défilent les photographies de sa famille. Son visage devient de plus en plus serein au fur et à mesure qu’il comprend la signification de cet économiseur d’écran. A la fin, le visage de Tyler est illuminé par cette lueur de beauté ineffable, celle qui est révélée par l’amour. Dans son interaction avec Janine, un calme total s’est emparé de lui. Il lui touche le bras, dans un geste de tendre affection. Il se lève. Il se dirige vers la fenêtre, tout son être marqué par une paisible sérénité, s’approchant sans hâte pour regarder le ciel bleu au dehors.
Those three ominous notes are at odds with Tyler’s tranquility. They would be strange if we hadn’t noticed the clues because they do not mirror his insouciance. They seem like the underlying perversion, the lie interfering with our now carefree boy. He is oblivious. He cannot hear them as we do. He only knows that he is loved. And that is enough.
Ces trois notes inquiétantes sont en contradiction avec la tranquillité de Tyler. Elles seraient étranges si nous n’avions pas remarqué les indices, parce qu'elles ne reflètent pas son insouciance. Elles évoquent une perversion sous-jacente, un mensonge qui vient faire obstacle à ce jeune homme qui vient de se libérer de son fardeau. Il est ailleurs. Il ne peut pas entendre ces notes, comme nous. Il sait seulement qu’il est aimé. Et cela suffit.
By now our hearts are thumping wildly. We are paralyzed. We know. We hear. And, as the camera slowly zooms out to reveal his location, those three notes, sounds heralding doom, stretch back slowly with the camera, and finally the visual and the musical merge. There is a moment of silence, a pause before destiny careens in. Then cacophonous city sounds emerge and grow louder, a harsh racket mocking Tyler’s calm.
Mais maintenant, nos cœurs battent à tout rompre, follement. Nous sommes paralysés. Nous savons. Nous entendons. Et, tandis que la camera s’écarte lentement pour révéler l’endroit où se trouve Tyler, ces trois notes, ces sons annonciateurs du destin, s’allongent eux aussi en accompagnement de la caméra, et finalement, le visuel et le musical fusionnent. Il y a un moment de silence, une pause avant que le destin ne frappe avec violence. Puis les sons cacophoniques de la ville émergent et gagnent en ampleur, brouhaha discordant qui vient railler le calme de Tyler.
And then both sight and sound are taken away from us; the screen goes blank. Our hearts have stopped.
Et puis nous nous retrouvons privés de vue et de son ; l’écran devient noir. Nos cœurs se sont arrêtés de battre.
“I Know You Can Hear Me”: Requiem
The bell tolls. It tolls for Tyler. It tolls for the many who died that day in those buildings. The requiem has begun. What else could come after the blank screen? Only this. Strings, muted horns, piano all proceed at a funereal pace at first, measured out in heartbreaking increments. This is when Tyler’s loved ones realize he is gone and it is time suspended in numbing recognition. His journal in the ashes is symbol—for it would not have survived ground zero—and is the visual for Tyler’s voice-over, his last words. Words from the dead. His voice rang so pure, so the Greeks would say. The music and the voice-over are both heart-rending without once being over the top, as so many Hollywood end pieces tend to be. And because of that, the exquisite melody is even more effective, as we absorb the gut-punch of pain. Tears come for many, but we have not been jerked around. We have been led, expertly, down the road of tragedy. And that is quite different.
Le glas retentit. Il sonne pour Tyler. Il sonne pour tous ceux innombrables qui sont morts ce jour-là dans les tours. Le requiem a commencé. Quoi d’autre de possible avec cet écran noir ? Seul le requiem. Des cordes, des cors assourdis, le piano adoptent tout d’abord une cadence funèbre, répartis en incréments déchirants. C’est à ce moment-là que ceux qui aimaient Tyler se rendent compte qu’il a disparu ; le temps est suspendu, tandis que la compréhension les engourdit. Son journal dans les cendres est symbolique— car il n’aurait en réalité jamais pu être préservé ainsi, Tyler se trouvant au point d’impact direct — mais il est l’incarnation visuelle de la voix off de Tyler, prononçant ses dernières paroles. Les paroles des morts. Sa voix, diraient les anciens Grecs du mythe d’Orphée, résonnait avec une pureté sans pareille. La musique et la voix off sont toutes les deux déchirantes mais sans être jamais excessives, comme c’est le cas pour tant de fins de films hollywoodiens. Et pour cette raison même, la mélodie exquise en acquiert d’autant plus de puissance, alors que nous absorbons cette douleur qui est reçue comme un coup de poing dans le ventre. Beaucoup d’entre nous pleurent, mais néanmoins nous n’avons pas été brutalement manipulés tout au long du récit. Nous avons été conduits, par des mains expertes, tout au long du chemin qui mène à la tragédie,ce qui est tout à fait autre chose.
Then the requiem deepens, as it must, sombre horns permeate every note. Everything slows down as if time has stopped. We see the characters’ grief. But we also see them continuing with their lives. Nothing is the same. Two three note sequences repeat and they tell us, point blank, that sorrow must rule now. He is gone and nothing is the same. And Tyler’s fingerprints on his loved ones have changed each of them. They forge new bonds, Caroline and her Dad at the museum. Aiden, his arm now tattooed with Tyler’s name, has become studious. They continue to work, as Diane does, carrying with her the devastating pain that comes with losing two sons, yet bravely carrying on. Tyler’s life changed them all forever.
Le requiem ensuite prend une tournure plus grave, comme il se doit et la voix sombre des cors imprègne chaque note. Tout ralentit, comme si le temps s’était arrêté. Nous voyons le chagrin des personnages. Mais nous les voyons aussi poursuivre leurs vies. Plus rien n’est pareil. Deux séquences de trois notes se répètent et nous disent, sans ménagement, que le chagrin doit désormais prédominer. Il n’est plus là et plus rien n’est pareil. Et les empreintes que Tyler a laissées sur ceux qu’il aimait ont changé chacun d’entre nous. Elles forgent de nouveaux liens : Caroline et son père au musée. Aidan, qui s’est fait tatouer sur le bras de nom de Tyler, étudie maintenant d’arrache-pied. Ils continuent à travailler, comme le fait Diane, qui porte en elle la douleur insupportable d’avoir perdu deux fils, mais qui continue pourtant bravement son chemin. La vie de Tyler les a tous changés pour toujours.
Another musical shift comes when the piano pounds out in triumph as we follow Ally onto the subway train. She sits there, pensive, but that piano, like Tyler’s last smile, is inside Ally now. Her own serene smile echoes his. He is inside her. The piano is used like percussion, insistently hammering, as if it were Tyler’s own beating heart.
Un autre motif musical fait son apparition lorsque le piano, triomphalement, gagne en puissance lorsque nous suivons Ally dans le métro. Elle est là, assise, pensive, mais ce piano, comme l’ultime sourire de Tyler, fait désormais partie d’elle. Le sourire serein d’Ally se fait l’écho de celui de Tyler. Elle le porte dans son cœur. Le piano est utilisé comme une percussion, avec un martèlement insistant, comme si c’était le propre battement de cœur de Tyler.
Finally, as the subway train blurs, we leave Ally as she continues her own journey, the piano keys are hit harder and harder, the whole melody is interwoven more emphatically. It is almost exultant, but not quite. Hollywood would present trite victory; Zarvos gives us the bittersweet reality. The score during the end credits is real enough for us to know that the angels taking Tyler do so with sad finality, knowing under any other circumstances it would be wrong. They are spiriting him away from the sister who needs him, the mother who would rather die herself than accept his absence, the father who would have died in his place if he could have, the lover who must keep her love for him contained, the friend who must now grow up and know what sorrow really is. The angels are taking Tyler to the embrace of his brother. They would rather not but it is all they can do.
Enfin, tandis que l’image du métro se brouille et disparaît, et que nous quittons Ally pour la laisser poursuivre son propre parcours, le toucher du pianiste devient de plus en plus puissant, et la mélodie toute entière s’entrelace de façon plus marquée. Elle est presque exultante, mais pas tout à fait. Un film Hollywoodien conclurait sur une banale note de victoire; Zarvos nous offre une réalité douce-amère. La musique qui accompagne les crédits finaux est suffisamment réelle pour nous faire comprendre que les anges qui emmènent Tyler le font d’une façon définitive et chargée de tristesse, tout en sachant que cela est injuste, quelle que soient les circonstances. Ils l’enlèvent à la petite sœur qui a besoin de lui, à la mère qui préfèrerait mourir plutôt que d’accepter son absence, au père qui serait mort à sa place s’il l’avait pu, à la compagne qui doit garder pour elle son amour, à l’ami qui doit maintenant mûrir et découvrir ce qu’est réellement la peine. Les anges emmènent Tyler pour le réunir avec son frère. Ils préféreraient ne pas l’enlever, mais ils n’ont pas le choix.
Many audiences sat, riveted, even after Ally’s train sped off and the credits began. It was too soon to leave. Zarvos' end piece isn't over with Ally's smile; it is the requiem that continues and we feel compelled to listen. I think, actually, that the music, unlike the visuals, keeps the sombre tone, then soars when that piano pounds in—Ally’s smile—soars, and you just can not get out of your seat until the requiem is over. It's as if you have to stay until the angels have carried Tyler away. It doesn't feel right to go. You are struck by the tragedy, but you are travelling with Tyler as far as you can possibly go. Three thousand angels carried away three thousand souls that blue-skied day. We didn’t see them because the air was filled with soot and ashes and violation. But Zarvos helps us hear them.
De nombreux spectateurs restent cloués dans leurs fauteuils alors même l’image d’Ally s’éloignant dans son train s’est évanouie et que les crédits commencent à défiler. Il est à ce moment-là trop tôt pour partir. Le morceau final de Zarvos ne s’achève pas sur le sourire d’Ally : le requiem se poursuit et nous nous sentons contraints de l’écouter. Je crois, en fait, que la musique, contrairement aux images conserve ce ton sombre, puis s’élève lorsque le piano fait irruption— avec le sourire d’Ally. Impossible de quitter son siège tant que le requiem n’est pas terminé. C’est un peu comme si nous devions rester là jusqu’à ce que les anges aient emmené Tyler. Nous avons a l’impression qu’il serait inapproprié de s’en aller. Nous sommes frappés par la tragédie, mais nous accompagnons Tyler aussi loin qu’il nous est possible d’aller. Trois mille anges ont emporté trois mille âmes ce jour-là où le ciel était si bleu. Nous ne les avons pas vus parce que l’air était saturé de suie, de cendres et de crime. Mais Zarvos nous aide à les entendre.
Sometime during the piano’s insistent beat, the requiem turns into the sound of resurrection. It is not clear exactly when that happens, because Tyler’s absence is too painful. But, Zarvos’ score, its repetition, has turned imperceptively into a musical homage. You listen as the dead are honoured. You know you have heard Tyler ascend. Are Tyler’s shadow wings on Ally’s back that morning unconscious precognition that he will be flying away soon?
A un moment donné pendant le tempo insistant marqué par le piano, le requiem se transforme en une musique de résurrection. Il est difficile de savoir à quel endroit exactement la transition se produit, parce que l’absence de Tyler fait trop mal. Mais la musique de Zarvos, sa répétition, s’est imperceptiblement transformée en un hommage musical. Nous écoutons le tribut rendu aux défunts. Nous savons que nous avons entendu Tyler monter là-haut. Les ombres chinoises en forme d’ailes que Tyler forme avec ses mains sur le dos d’Ally, ce matin-là, sont-elles une prémonition inconsciente qu’il prendra bientôt son envol ?
When he is gone, then you stand up.
Lorsqu’il est parti, alors nous nous levons.
Your actions might alter when you are with others, that friend who isn’t as touched as you are, the husband who needs to go to the can. And if the rest of the audience squeezes past you and disturbs you, the spell is broken. And you wonder why these others around you must disturb the heart of the film. It feels a mite rude. Is it just that they’ve drunk too much Coke and have to pee?
Notre comportement peut varier si nous sommes accompagnés, peut-être par un ami qui n’a pas été aussi touché que nous, par un conjoint qui a besoin d’aller au toilette. Et si le reste des spectateurs se faufile devant vous passer et vous dérange, le charme est rompu. Et nous nous demandons pourquoi ces autres personnes qui vous entourent troublent ainsi ce qui est le cœur du film. Il y a un brin d’impolitesse à cela. Ets-ce seulement du au fait qu’ils ont bu de trop de Coca-Cola et qu’ils doivent filer aux toilettes ?
It is actually odd that anyone gets up before the Zarvos end piece is over. One can only presume that self-consciousness comes into play when the lights come up, which they do while his music still plays. People, perhaps, don’t want to be seen to be affected by the film; they want to collect themselves, contain the strong feelings which threaten to emerge for the public to see. Heaven forbid that anyone should see them cry. Or perhaps that’s just what they always do when a film is over and habit automatically takes over. Some have not been moved; have managed to skim the surface of the film. I admit, this puzzles me.
Il est étrange que quiconque se lève avant que la musique de Zarvos soit finie. On ne peut que supposer que l’embarras se fait sentir lorsque les lumières se rallument. Peut-être les spectateurs n’ont-ils pas envie que d’autres voient qu’ils ont été affectés par le film ; ils veulent pouvoir se ressaisir, maîtriser les émotions puissantes qui menacent de se manifester et éviter de les montrer en public. Il ne faudrait surtout pas qu’on les voie pleurer. Ou peut-être que c’est leur réaction habituelle à la fin d'un film et que les vieux automatismes reprennent le dessus. Certains n’ont pas été touchés et ont réussi à se maintenir juste à la surface du film. Je dois avouer que cela ne laisse pas de m’étonner.
And some audiences remain. To me that is the time viewers can pay homage, give back some of what they’ve been given in the preceding two hours. The filmmakers’ names slowly appear and vanish, one after the other, and you know you are incapable of doing anything except stare at the letters as they come and go, because you are in mourning. The music keeps your body there, paradoxically anchoring you while it allows you to fly away with memories of Tyler, of the three thousand. It allows you to absorb and solidify with its weird majestic melancholy.
Mais certains spectateurs ne s’en vont pas. Pour moi, c’est le moment où les spectateurs peuvent rendre leur hommage, restituer un peu de ce qui leur a été donné au cours de ces deux heures. Les noms de tous ceux qui ont participé à la création au film s’affichent et s’effacent lentement, l’un après l’autre, et nous nous retrouvons incapables d’agir sinon de fixer les lettres qui apparaissent et disparaissent, parce que nous sommes en deuil. La musique nous force à rester physiquement là, et paradoxalement, nous donne un point d’ancrage tout en nous permettant de nous envoler avec les souvenirs de Tyler, et des trois mille. Elle nous permet de tout absorber et de tout concrétiser, au rythme de sa mélancolie étrange et majestueuse.
I have spoken to only part of it, but there is an honesty embedded in this movie score. There is nothing hollow or pretentious about it. It reflects the way the whole film was made, embodying genuine feelings and characters so real they draw you into their lives in a natural way. Apart from the end piece, which must deal with heaven, the music in “Remember Me” allows the story to unfold effortlessly and is imbued, like everything else about the film, with a bold integrity.
Bravo, Marcelo! Masterful.
Je n’ai abordé que partiellement cet aspect mais la musique de ce film possède une intégrité inhérente. Elle n’est jamais creuse ou prétentieuse. Elle est le reflet de tout l’esprit du film, et incarne des sentiments et des personnages authentiques, si réalistes qu'ils nous attirent tout naturellement au cœur de leurs existences. Si l’on excepte le morceau final, dont le discours s’adresse aux cieux, la musique de “Remember Me” permet à l’histoire de se déployer sans efforts et elle est imprégnée comme tout ce qui caractérise ce film, d’une audacieuse intégrité.
Il ne me reste plus qu’à dire bravo à Marcelo Zarvos pour ce chef-d’œuvre.